Selon une étude britannique, réduire le temps de travail hebdomadaire permettrait au Royaume-Uni d’économiser l’équivalent en émission de CO2 de ses 27 millions de voitures en circulation. Une baisse drastique née de la respiration sociale qu’offre une semaine allégée, propice au temps libre et aux activités peu carbonées comme la cuisine, le sport et le bénévolat.
La semaine de 4 jours a décidément le vent en poupe. Après les études prouvant ses vertus en matière de bien-être au travail et les rapports qui corrèlent réduction du temps de travail et hausse de la productivité, c’est au tour du climat d’en clamer les bénéfices. Dans une étude de mai 2021 intitulée « Stop The Clock », l’association Platform et le collectif 4 Day Week démontrent que travailler moins – sans perte de salaire – permettrait de diminuer nettement l’empreinte carbone du Royaume-Uni. Une baisse de 127 millions de tonnes de CO2/an, soit ce qui serait économisé si les 27 millions de voitures britanniques en circulation cessaient de rouler. Des analyses reposant sur de nombreuses études réalisées au sein de l’OCDE, qui soulignent qu’une telle réduction du temps de travail permettrait de lutter contre les émissions difficilement décarbonables.
Moins travailler pour mieux consommer
Parmi ses émissions persistantes, le rapport mentionne la consommation rapide de produits alimentaires ultra-transformés et l’achat de gadgets technologiques peu utiles. Autant d’émissions qui pourraient être réduites si notre temps de travail diminuait. Car travailler 50h par semaine, c’est souvent privilégier la livraison de repas à la cuisine maison, ou l’organisation de voyages expéditifs destinés à décompresser et compenser le manque de temps libre. À l’inverse, une semaine de 4 jours donnerait du temps aux ménages et offrirait une respiration sociale favorable aux activités peu carbonées comme le temps passé en famille ou avec les amis, à cuisiner, marcher, faire du sport ou du volontariat. Autre point-clef en matière d’émission : la baisse des trajets en voiture entre le domicile et le bureau. Selon l’étude, le kilométrage parcouru en voiture pourrait diminuer de 9% chaque année si on passait à une semaine de 4 jours.
Un changement de paradigme
Supprimer à l’échelle nationale une journée de travail sans réduire les salaires n’est pas une décision légère dans une société néolibérale. Cela revient à reconnaître que le travail et la productivité ne sont plus le sacerdoce de nos sociétés et que les limites, qu’elles soient planétaires ou sociales, sont en train d’être atteintes. La semaine à 4 jours questionne aussi l’une des dimensions les plus centrales du modèle économique actuel, le profit. Car réduire le temps de travail sans baisser les revenus, c’est limiter la maximisation des profits. Plusieurs pays s’intéressent pourtant à ce nouveau cadre pour des raisons plus économiques. En Nouvelle-Zélande, la Première ministre Jacinda Adern expérimente depuis plusieurs mois la semaine de 4 jours pour relancer le tourisme local post-covid. L’entreprise Unilever a d’ailleurs lancé fin 2020 une expérimentation d’un an dans le pays. Un choix qui peut étonner au regard de la dimension capitalistique de l’entreprise néerlando-britannique. Raison de plus pour croire en l’avenir de la semaine allégée.
La France l’a déjà expérimentée
Le rapport britannique prend même en exemple le passage des 39 aux 35 heures sous le gouvernement de Lionel Jospin en 2000. Cette réforme avait pour objectif de libérer du temps aux salariés, mais aussi de partager le travail et de faire baisser le chômage. Si la loi échoua dans sa tentative de protéger l’emploi, elle a permis aux travailleurs de libérer du temps et de pratiquer des activités moins carbonées. En travaillant moins, les Français ont profité de leur temps libre pour se reposer ou passer du temps en famille, indique le rapport. Un effet collatéral que n’avait peut-être pas prévu le Premier ministre de l’époque, mais qui a le mérite de faire jurisprudence désormais. L’étude précise néanmoins que si un pays passe à la semaine de 4 jours, des mesures d’accompagnement sont nécessaires pour flécher et encourager les activités décarbonées. Par exemple, développer des espaces verts et des mobilités douces (vélo, marche) ou augmenter les fonds des activités culturelles et sportives. Des politiques publiques adaptées permettant de développer des activités près des communautés et des territoires.